Les indiens Boruca font parti des peuples autochtones établis en Amérique centrale il y a 15 000 ans. Ils occupaient autrefois avec d’autres tribus un vaste territoire couvrant une partie du Panama et la quasi totalité du Costa Rica. Ils vivent aujourd’hui dans la jungle de la cordillère Brunquera dans l’une des 22 réserves aborigènes que compte le pays.
Les indiens Boruca présentent des caractéristiques propres aux populations d’Amérique centrale, croyance en une religion polythéiste, sacrifices humains, culte des morts. Leur société hiérarchisée comprenait au sommet le chef ou cacique suivi des guerriers, chamans, artisans et à sa base les paysans.
Les ancêtres des Boruca étaient des chasseurs cueilleurs organisés en tribus de quelques dizaines d’individus. De nombreux groupes ethniques occupaient la région à cette époque, leur interaction était d’ordre économique avec des échanges de nourritures et de biens artisanaux mais aussi sociale pour favoriser la mixité génétique dans les tribus.
La protection et l’extension des territoires étaient les principales sources de tension entre les indiens qui se livraient des guerres et pratiquaient les enlèvements pour alimenter les sacrifices rituels.
L’histoire de ces communautés a été bouleversée au 15 siècle avec l’arrivée des conquistadors Espagnols. 400 000 Amérindiens vivaient alors sur le territoire de l’actuel Costa Rica mais leur nombre va diminuer massivement exterminés par les conflits et les nouvelles épidémies en provenances du vieux continent
La majeure partie des tribus indigènes est alors décimée ou réduite en esclavage mais les indiens Boruca résisterons à la conquête espagnole et organiseront leur résistance en tirant profit de leur environnement isolé.
Les Borucas ne se laisseront jamais dominer par les armes, leur colonisation se fera de manière progressive par l’action des missionnaires qui réussiront à sédentariser ces populations et leur faire abandonner leurs croyances païennes au profit du culte catholique.
Leur acculturation va ainsi commencer au contact des Espagnols avec pour conséquence la perte progressive de leur culture et leur tradition.
Longtemps marginalisés par le reste de la population ainsi que par le gouvernement, il faudra attendre les années 1930 pour qu’un ensemble de lois en faveur des peuples indigènes soient votées, leur conférant ainsi une reconnaissance, une protection ainsi que certains privilèges comme la propriété exclusive de leurs terres et la création de réserves auto administrées.
Ces mesures n’ont fait que ralentir le processus d’assimilation des Indiens et l’érosion de leur culture et la décision dans les années 60 de construire la Pan-América va marquer le début d’une nouvelle aire pour ces tribus. Cette voie de communication reliant les deux Amériques va couper les terres indigènes et les sortir définitivement de leur isolement géographique et culturel.
Cet événement va apporter d’importants progrès dans la communauté et va considérablement changer la vie des indiens. Les infrastructures et les voies de communications sur leur territoire vont se développer. La qualité de vie des indiens va s’améliorer avec le déploiement d’un réseau électrique et d assainissement, une meilleure éducation et un accès aux soins modernes.
Mais les conséquences sur leur culture sont importantes et le modèle occidental va s’immiscer dans leur mode de vie traditionnel et menacer leur identité.
L’identité d’un peuple est un ensemble complexe regroupant une histoire commune, un dialecte, une culture, un artisanat, des croyances et des traditions. Le contact avec la société occidentale et le nouveau modèle imposé aux indiens va altérer l’ensemble des caractéristiques identitaires de ce peuple autochtone.
Les indiens utilisaient autrefois le Brunka pour communiquer. Ce dialecte originaire de Colombie et dérivé de Chibchan est un mixte de plusieurs langues indigènes. Sa forme moderne est la résultante de la colonisation et du regroupement des différentes tribus. Mais L’espagnol s’est imposé aujourd’hui comme langue principale au détriment du Brunka, menacé de disparaître faute de pratique, de transmission et d’apprentissage.
Très proche de la nature, les indiens se soignaient avec des remèdes naturels à base de plantes. Cette médecine traditionnelle n’est plus utilisée que pour certaines pathologies bénignes et la médecine occidentale est principalement utilisée aujourd’hui.
Le chaman jouait un rôle important dans ces tribus et intervenait dans lors de cérémonies religieuses et pour soigner les maladies graves. Il utilisait du tabac dont la fumée éloignait les esprits et consommait des substances hallucinogènes pour entrer en transe et connaître l’origine des maladies.
Les Curanderas , ou guérisseuses sorcières, pratiquaient une médecine par les plantes, les herbes et les racines. Le savoir des Curanderas se transmettait de mère en fille et l’adoption se pratiquait en cas de non descendance pour transmettre le don. Les soins étaient le plus souvent accompagnés de sorcellerie pour aider le malade dans sa guérison.
Les indiens Borcuca étaient connu pour contrôler leur naissance et ainsi maîtriser leur population. Les Curanderas fabriquaient des breuvages à base de plantes et de racines pour provoquer la fécondité des femmes ou servir de contraceptif.
L’arrivé du christianisme dans ces communautés a marginalisé voir interdit ces pratiques supposées païennes et l’ensemble de ses savoirs traditionnels disparaît un peu plus à chaque génération.
Autrefois auto-suffisantes, ces communautés d’agriculteurs s’adaptent difficilement au nouveau modèle de vie qui leur est imposé. De plus, la situation économique nationale difficile engendre un chômage élevé dans les catégories sociales les plus sensibles et les peuples indigènes sont particulièrement vulnérables.
Il est aujourd’hui difficile pour les jeunes générations de sortir de ce paradigme et seulement 20% des indigènes vivent en dehors des réserves. Ainsi, après une période en ville pour chercher du travail, la plupart des indiens reviennent dans les réserves pour retrouver une vie communautaire plus facile.
Malgré les mesures censées garantir leurs droits ainsi que leur terre, les communautés indigènes sont victimes d’expropriation et plus de la moitié des terres sont détenues aujourd’hui par des propriétaires non autochtones.
A la fin du 20e siècle, les pressions économiques et sociales extérieures exercées sur le mode de vie indigène ainsi qu’une mondialisation des idées ont accéléré la perte de leur identité. De plus leur inadaptation au modèle économique moderne a plongé ces communautés dans une grande précarité.
Face à ces nouveaux défis, les Indiens Boruca, à l’instar des autres tribus d’Amérique centrale ont organisé leur résistance et développé un nouveau modèle sociétal et culturel. Ils vivent aujourd’hui entre modernité et tradition dans un équilibre précaire où coexiste le développement économique et la sauvegarde de leur identité.
Ils s’organisent en coopérative ou association pour faire valoir leur droit et la reconnaissance de leur culture. Ces initiatives sont aujourd’hui encouragées par le gouvernement du Costa Rica qui travaille conjointement avec la communauté sur de nombreux projets.
La création d’un musée il y a une dizaine d’années marque une étape dans la reconnaissance de ce peuple et de ses traditions. Un travail de recherche et de collecte d’informations a été mis en place dans le but de regrouper les connaissances culturelles sur ces peuples indigènes.Si la transmission de la culture se faisait oralement, de nouveaux outils permettent aujourd’hui de sensibiliser et d’intéresser les jeunes générations à leur passé.
Les Borucas sont connus pour leur artisanat traditionnel et pour leurs masques en bois utilisés autrefois lors de cérémonies. Leur savoir faire est aujourd’hui classé au patrimoine immatériel national mais l’abandon progressif de leur croyance au profit d’un culte chrétien a relégué l’utilisation des masques à une fonction décorative.
Mais l’attrait croissant pour les cultures indigènes a crée une demande pour les objets artisanaux traditionnels et leur vente s’est ainsi développée au delà de la réserve et même en dehors des frontière du pays. Un réseau de distribution s’est mis en place desservant des revendeurs d’arts spécialisés jusqu’au boutique de souvenir de grands hôtels.
Cette nouvelle économie a relancé l’intérêt chez les indiens pour leur artisanat et la confection des masques. De petits ateliers ont ainsi émergé où l’art et la fabrication d’objets traditionnels se transmet et s’apprend.
La conséquence de leur effort est un intérêt croissant des touristes
nationaux et internationaux pour cette communauté et leurs traditions. Le village travaille activement au développement d’un tourisme durable. Cet ethno-tourisme, permet de sensibiliser les visiteurs à la culture et aux combats des indiens pour leur survie identitaire.
Les indiens Boruca étaient connus pour pratiquer des danses secrètes lors de cérémonies. Ces traditions se sont perdues au fil des générations et seulement deux sont encore pratiquées, les Negritos et ce que l’anthropologue Doris Z Stone a nommé Bullfight, communément désignée comme la Fiesta de los diablitos.
Ces danses sont chargées de symbolisme, spiritualité et de tradition mais sont pratiquées de manière plus spectaculaire aujourd’hui à l’occasion de célébrations se déroulant chaque année dans la réserve.
La Fiesta de los Diablitos est un évènement majeur pour les Borucas. Cette fête de trois jours se déroule à la fin du mois de décembre et retrace le passé de lutte des Indiens face aux conquistadores Espagnols.
Les participants portent des masques en bois représentant les esprits protecteurs des indiens. Des scènes de combats sont dansées et des processions sont organisées dans tout le village accompagnées de chants et de danses.
Cette fête attire chaque année un nombre croissant de touristes et représente aujourd’hui une activité économique importante pour beaucoup de familles qui développent de petites structures d’hébergements.
Cette célébration a été reconnue en 2018 par le gouvernement du Costa Rica comme patrimoine immatériel national récompensant ainsi le travail de ce peuple pour sa reconnaissance.
Ces nouvelles opportunités sont une source de revenus qui bénéficie à l’ensemble de la communauté et finance des projets sociaux et de développement.
Le budget de l’école a augmenté et la qualité de l’enseignement s’est considérablement améliorée. En plus du cursus général, deux jours par semaine sont consacrés à l’enseignement de la culture Boruca et de son dialecte.
La station de radio, lancée en 1982, diffuse des programmes de divertissement et d’information a destination de la réserve et des environs. Elle représente un vecteur de diffusion de la culture et des idées en donnant la parole aux acteurs de la communauté et aux citoyens.
A partir de 1983, un groupe de femme fonde « La Association de Flor » pour financer les études supérieures des élèves indigènes. Cette association compte aujourd’hui une quarantaine de membres et leur champ d’action s’élargie au développement économique et touristique de la communauté ainsi qu’à la sauvegarde de leur identité
Ce nouveau modèle économique permet de conserver et transmettre un savoir faire et des traditions tout en créant une source de revenu pour les indiens. Les bénéfices directs sont une amélioration des conditions de vie et un renforcement identitaire. Cela crée également de nouvelles perspectives pour les jeunes générations qui n’envisagent plus systématiquement de quitter la réserve.
Mais la contrepartie de se nouveau commerce et la perte du sens traditionnel et symbolique des masques au profit d’une fonction purement décorative.
Le développement touristique modifie également le rapport aux cérémonies religieuses présentées aujourd’hui comme une attraction folklorique.
Le modèle développé par les indiens Boruca est une solution hétéroclite des communautés indigènes face à la mondialisation des cultures et des modes de vie. Leur volonté de se protéger des influences extérieures se heurte au besoin de développement et de consommation. Le système économico-social mis en place bénéficie à leur culture en favorisant son apprentissage, encourageant sa transmission et en travaillant à sa sauvegarde ; et crée de nouvelles opportunités dans les communautés. Mais le prix à payer est un intérêt toujours plus grand pour ces peuples, accélérant ainsi la perte de leurs identités et modifiant le rapport à leur culture.